Les crises de colère chez les enfants adoptés sont parfois impressionnantes. Beaucoup de parents adoptifs se sentent désemparés lorsqu’elles se manifestent. Je vous explique ce qu’il se passe chez votre enfant à ce moment-là et comment « limiter les dégâts. »
Cet article est principalement inspiré du travail de recherche de Nancy Newton Verrier, psychologue clinicienne et mère adoptive. La touche personnelle est issue de mon expérience en tant qu’adopté moi-même, et des personnes que je rencontre en consultation en tant que psychopraticien. Chaque sujet englobe une généralité sans pour autant la conditionner ; l’humain étant complexe, chaque vécu est différent. Je vous invite donc à prendre du recul puis ne garder que ce qui vous parle. Bonne lecture !
Les conséquences de la séparation d’avec la maman biologique :
Les études sur le développement de l’enfant confirment qu’un enfant proche de sa mère pendant les premières années de sa vie a un meilleur développement psycho-émotionnel ; il sera plus « sécure » et aura moins de troubles de l’attachement.
C’est d’ailleurs de cette façon que je me suis intéressé au sujet :
Toutes les recherches sur le développement psychologique de l’enfant et les théories de l’attachement Freudiennes, que j’ai découvert à l’université, m’ont fait dire qu’une séparation d’avec la mère biologique ne serait pas un événement anodin.
C’est ce qui m’a fait découvrir les travaux de Nancy Newton Verrier.
En effet, avant 3 ans, le cerveau n’a pas fini sa maturation. Seul le système limbique, siège des ressentis et émotions, est majoritairement opérationnel. Le néo-cortex, siège de la logique et de la mémoire factuelle, quant à lui reste en cours de développement.
Un bébé séparé de sa mère biologique n’en aura aucun souvenir clair, ni explicables par des mots, images ou sons.
Cependant, les sensations et émotions liées à cette séparation seront enregistrées en mémoire implicite.
C’est pour cela que de nombreux adoptés ont des moments de tristesses, d’angoisses ou de colères fortes qui leurs viennent parfois « sans raison ».
Ce qui peut donner l’impression d’avoir un problème, d’être « folle », à la personne qui s’en rend compte. Je vous renvoie sur mon article : Pourquoi certains adoptés se croient fous ?
Quel que soit l’âge, être séparé de sa mère biologique reste un traumatisme émotionnel qu’on appelle blessure primitive chez l’enfant adopté. L’enfant en garde la marque dans ce que l’on nomme sa mémoire implicite.
La crise de colère :
La crise de colère est généralement explosive et arrivent sur des choses, à première vue, anodines.
L’enfant peut crier, taper, voire même casser des objets. Il donne l’impression de ne plus se contrôler et c’est en partie le cas.
Lorsqu’il redevient calme, il peut avoir comme une amnésie, ne se souvenant plus de ce qu’il a dit ou fait. Ce qui est indicateur d’une charge émotionnelle intense.
À ne pas faire
Comme l’enfant n’arrive pas à contrôler cette émotion faisant directement référence à son traumatisme, il ne sert à rien de chercher à le raisonner ou à le gronder. Il n’entend rien, il est « possédé« par sa colère.
À faire
Vous devez l’écouter, sans réagir, même si ce n’est pas agréable. S’il en vient aux mains, il faut simplement vous en aller et le laisser terminer seul. Lorsque sa crise se sera calmée, vous pourrez en discuter tranquillement avec lui, lui demandant s’il se souvient de son comportement et rappeler les règles de vie de votre foyer. Le but est d’apprendre à prévenir ces crises de colère à l’avenir.
Si cela ne suffit pas, je vous invite à en discuter afin de mettre en place l’accompagnement approprié : annuaire thérapeute ici.
Comment prévenir les crises de colère de votre enfant ?
Mieux vaut prévenir que guérir.
Il y a deux profils chez les enfants adoptés au sein de leur famille adoptive :
- Le docile
- Le rebelle
Les crises de colère concernent généralement le profil rebelle chez l’adopté. Si vous voulez plus de précisions sur ce sujet avant de continuer, je vous invite à lire ces deux articles :
Les deux profils de l’enfant adopté : docile et rebelle
Le rapport à l’autorité chez l’enfant adopté, adolescent et adulte
Profil du rebelle
Avant de gérer les crises de colère de votre enfant adopté, il faut d’abord avoir conscience de son profil probablement rebelle et ce qu’il implique.
En cause : l’injustice et la colère d’avoir été séparé de la mère biologique.
Ces ressentis et émotions sont enregistrés dans l’inconscient de « l’adopté rebelle ». Ils peuvent donc, au moindre signe ressemblant au traumatisme passé, resurgir d’une manière explosive : une absence trop longue, une tâche « imposée », une contrainte, un départ, etc.
Si votre enfant est dans ce profil, il est fort probable que vous le reconnaissiez dans les lignes qui suivent :
- Il est autoritaire.
- Il rejette systématiquement les ordres.
- Il prend les conseils comme des jugements négatifs
- Il est impulsif et colérique.
- Il est possessif.
- Il est émotionnellement instable.
- Il ne communique que très peu son affection.
- Il aime avoir l’attention.
- Il évite le sujet de sa vie personnelle.
- Il aime beaucoup les soirées entre « amis » et finir tard (s’il est adolescent ou adulte).
- Il a peut-être des addictions à certaines drogues au passage.
- Il a de mauvaises fréquentations.
- Il a déjà tenté de fuguer.
- Etc.
Un profil rebelle en cochera une grande partie de ces « cases. »
Comment gérer son comportement rebelle afin de limiter les crises de colère ?
1) Le cadre d’une famille unie
J’ai pu échanger avec certains parents qui ont cru bon de laisser leur enfant décider ses propres libertés.
C’est important que l’enfant se sente libre, certes. Sauf quand il empiète sur la liberté et le bien-être des autres. Ces parents-là se retrouvent vite dépassés puisqu’ils n’assument pas la partie la plus importante de leur rôle qui est de poser un cadre.
Sachant que l’enfant adopté sait que ses parents adoptifs ne sont pas ses vrais parents, il va les prendre encore moins au sérieux si ces derniers n’instaurent pas de règles. La communication peut donc se rompre rapidement.
À l’inverse, j’ai rencontré des parents adoptifs qui en sont venus aux mains, tellement qu’ils étaient désemparés face à la crise de colère de leur enfant.
C’est évidemment déconseillé car l’enfant adopté va associer instinctivement les « coups » à la méfiance vis-à-vis de ses parents adoptifs : parents qui ne sont pas les siens (biologiques). En venir aux mains, fragilise la confiance difficilement construite.
De plus, si vous vous laissez vous-mêmes aller à vos émotions en tant qu’adulte, vous ne donnez pas le bon exemple, en tant que guide fiable, à votre enfant.
Un enfant adopté a été mis en dehors de sa famille biologique sans son avis. Il peut avoir la sensation qu’on lui a arraché ses repères puisqu’il n’a plus aucun reflet génétique. Sa colère est donc légitime.
Cependant, s’il est dans votre famille, votre responsabilité est de lui faire comprendre qu’il est maintenant des vôtres. Vous pouvez donc lui offrir un cadre sécurisé matériellement, mais vous devez surtout lui offrir une sécurité émotionnelle.
C’est pour cette raison que les parents adoptifs sont souvent amenés à faire un travail sur eux-mêmes. Ils doivent être prêts à remettre en question leur façon de communiquer, leurs idées préconçues sur comment éduquer un enfant qui est souvent issues de leur propre éducation.
Veillez à ce que vos règles respectent le bien-être de votre enfant, tout en respectant le vôtre.
Une mère adoptive (adoption monoparentale) était prête à tout endurer pour son fils adopté, avec lequel elle avait une relation fusionnelle.
Hélas, ce n’était pas épanouissant. Depuis son adolescence, il était accro à la cocaïne, l’alcool et le cannabis, faisant des allers-retours en clinique, parfois à cause de tentatives de suicide (il y en a eu 7), malgré les avertissements des professionnels de santé.
Très jeune, ses crises de colère ont impressionnés sa mère. Elle qui avait déjà peur de blesser son fils à cause de son adoption et du mal à s’affirmer dans sa propre vie, elle s’est effacée face à son caractère fort. Cependant, elle pensait que l’amour seul suffirait.
Depuis, elle entretient financièrement son fils, maintenant adulte, qui est fragile psychologiquement et addict aux drogues. Elle dort peu, s’inquiétant constamment des conduites à risques de son fils.
Lors de notre dernière téléconsultation, elle comprenait qu’elle devait changer la dynamique relationnelle qu’elle avait avec lui en apprenant à prendre soin d’elle-même en priorité. Mais elle ne se sentait pas encore prête. Je ne peux qu’espérer que les choses se sont améliorées depuis…
Ceci implique de savoir vous respecter vous-même dès le début, sans pour autant entrer dans une quelconque forme de violence ; Apprendre à sentir quand votre liberté et votre bien-être ne sont plus respectés. Puis de le dire fermement.
C’est un travail personnel. Un parent capable de guider doit savoir montrer l’exemple. Si vous ne prenez pas soin de vous-même, pourquoi espérer que votre enfant le fasse ?
Si vous avez du mal à gérer les colère de votre enfant adopté et qu’elles vous font perdre vos moyens, parlez-en à un professionnel afin d’apprendre à mieux gérer vos émotions en cliquant ici.
2) Arrêtez de vous culpabiliser
Ce qui me revient le plus lors des consultations avec des parents adoptifs, ayant du mal à gérer les crises de colère de leur enfant, c’est leurs craintes : « Qu’est-ce qu’on a raté avec lui/elle ? », « Sommes-nous de mauvais parents ? »
Certains reçoivent des réflexions négatives de leur entourage, voire mêmes de professionnels dans le social et de la psychologie.
Si vous vous culpabilisez en permanence, votre enfant va le sentir et conclura que vous ne faites pas ce qu’il « faut » avec lui, qu’il y a effectivement un problème et donc une raison d’être en colère : puisqu’être séparé de sa famille biologique, sans avoir pu donner son avis, et se retrouver dans une famille qui fait sentir qu’elle s’y prend « mal », c’est « énervant. »
L’enfant, en tant qu’individu, a la responsabilité de ses émotions. Et vous, en tant que parents, vous ne lui apprenez pas comment les refouler mais à les exprimer convenablement.
Vous n’êtes pas parfait. L’idéal voudrait que votre famille soit heureuse comme la promesse des publicités dignes des années 60… mais non. Votre famille est humaine : avec son histoire et ses secrets.
Si votre éducation n’a pas été idéale, que vous avez pensé judicieux d’enfouir certains épisodes d’enfance que vous avez vécus comme injustes… ce n’est pas de votre faute, ni celle des grands-parents. Chacun trainent ses problématiques généalogiques de génération en génération, souvent sans en être conscient.
Ce que vous pouvez faire, c’est de votre mieux. Pas comme l’auraient fait vos parents ou une tierce personne, mais vous.
Je cite parfois cet exemple en consultation :
Dans un avion, lorsqu’il y a un problème et que les masques à oxygène tombent sur une rangée où se trouvent une famille, à qui doit-on les mettre en premier d’après vous ? Les parents ou les enfants ?
Si vous avez répondu les enfants, vous avez perdu… ce sont les parents d’abord !
Pourquoi ? Parce qu’ils doivent être conscients s’ils veulent mettre les masques à leurs enfants et s’occuper d’eux.
Nul besoin de vous culpabiliser plus. Vous portez vous aussi des blessures.
Si vous vous en occupez, vous pourrez montrer à votre enfant comment il peut s’en occuper lui aussi. Il faut lui montrer le bon exemple.
3) Prenez du temps pour vous
Comme je l’ai dit plus haut : Si vous ne prenez pas soin de vous-même, pourquoi espérer que votre enfant prenne soin de lui-même ?
Vous êtes un exemple, direct ou indirect, et cela doit passer par votre hygiène de vie.
Avant d’être parents, vous étiez des personnes avec des loisirs et des passions. Et dans le fond, vous l’êtes toujours.
Certains ont sacrifié leur personne pour ne devenir que parent. C’est une erreur puisque cela donne lieu à des comportements parentaux, pour la plupart, étouffants vis-à-vis des enfants.
Le parent ne vit plus son expérience de vie mais celle de son enfant. S’il est rebelle, vous serez entraîné dans son tourbillon de « drama. »
Les fondations de la famille, c’est le couple. Il faut du temps pour votre couple. Les fondations du couple, c’est vous. Il faut aussi du temps pour vous seul.
Reprenez un mode de vie qui favorise votre bien-être. N’hésitez pas à déléguer certaines tâches de temps en temps afin de vous libérer du temps.
Si vous vous sentez mieux, vous saurez prendre plus de recul face aux crises éventuelles, à comprendre la situation et aurez plus de facilités à exprimer vos limites de façon juste.
Il y a sûrement des moments dans la semaine que vous pouvez prendre pour vous. Reprenez contact avec une activité que aimeriez reprendre. Allez à de nouveaux événements. Rencontrez de nouvelles personnes. Détendez-vous simplement avec votre conjoint(e) afin de renforcer vos liens.
Je cite ce dernier cas parce que les fondations de la famille sont les parents. Prenez donc soin de votre binôme, comme à vos débuts.
Conclusion
L’amour seul ne suffit pas. Il faut être capable de connaître ses besoins afin de les affirmer. C’est ce qui crée les cadres dans toute relation, y compris dans la famille.
Si, vous sentez que vous avez du mal à le faire et besoin d’un accompagnement, vous pouvez réserver votre séance avec un professionnel de l’annuaire, dont je fais partie.
Prenez soin de vous.
Mots clés : enfant adopté colère, parents adoptifs, crises de colère, gestion des émotions, adopté, adoption, blessure primitive
Recherches utilisées pour trouver cet article : https://www sadoptersoi com/pourquoi-votre-enfant-vous-desobeit-et-faire-des-crises-de-colere-parents-adoptifs/