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Adoption et attachement : pourquoi l’adoption ravive des blessures précoces

enfant adopté et attachement affectif

L’adoption, souvent perçue comme une seconde chance, peut aussi réveiller des blessures profondes, particulièrement quand on fait le lien entre adoption et attachement. Bien que chaque histoire adoptive soit unique, certaines souffrances reviennent fréquemment dans le parcours des adoptés. La psychologie de l’attachement, appuyée par de nombreuses recherches, nous aide à mieux comprendre pourquoi.

Comprendre l’attachement : un besoin fondamental

L’attachement est un besoin primaire. John Bowlby, psychiatre et psychanalyste britannique, a été l’un des premiers à conceptualiser ce lien affectif profond qui unit un enfant à ses figures parentales. Selon lui, c’est à travers ces premières relations que l’enfant construit ses « modèles internes opérants », c’est-à-dire des schémas inconscients sur soi, les autres et les relations.

Mary Ainsworth, collaboratrice de Bowlby, a mis en évidence différents styles d’attachement à travers l’expérience de la « Situation étrange » (1978) : sécure, insécure-évitant, insécure-ambivalent, puis plus tard, désorganisé. Ces styles influencent durablement notre manière d’entrer en relation.

Les blessures précoces : lien entre adoption et attachement

Avant même l’adoption, de nombreux enfants ont vécu des séparations, négligences, carences affectives, voire des maltraitances. Ces expériences précoces peuvent générer un attachement insécure ou désorganisé. Selon les recherches de Charles H. Zeanah (2000) et Mary Dozier (2006), les enfants placés en institution ou ayant connu des ruptures multiples présentent fréquemment des troubles de l’attachement.

L’adoption intervient souvent après un parcours douloureux. Même dans un environnement adoptif stable, ces blessures peuvent se raviver, car l’enfant doit s’adapter à de nouveaux visages, de nouvelles règles, un nouvel attachement. Cela peut réveiller l’angoisse de l’abandon ou du rejet, ou renforcer des croyances du type : « je ne mérite pas d’être aimé ».

Le paradoxe de la sécurité : pourquoi l’amour ne suffit pas

Nombre de parents adoptifs témoignent de leur incompréhension face à la méfiance, à l’opposition ou à la fermeture émotionnelle de leur enfant. Ce paradoxe est bien connu des cliniciens : l’enfant réclame de l’amour tout en le repoussant. Pourquoi ? Parce que l’amour active justement la mémoire des premières blessures.

Bruce Perry, neuropsychiatre, explique que le cerveau des enfants traumatisés fonctionne en mode de survie. Le système limbique (émotionnel) reste en alerte constante. Le moindre changement, même positif, peut être vécu comme une menace. La sécurité doit alors être reconstruite patiemment, dans un cadre prévisible, rassurant, et sans exigence immédiate de réciprocité affective.

Blessures invisibles : le Témoignage de Marie

Pour illustrer ces mécanismes, le témoignage poignant de Marie, adoptée un peu plus tard, est très parlant :

«  Être adopté, c’est un peu ressentir comme un grand vide au fond de soi car on n’a pas de repères. On ne peut rien s’imaginer, car on n’a pas de base de comparaison  » ainsi que l’idée que «  l’enfant arrive souvent méfiant envers toute personne censée le protéger  » .

Ce récit résonne avec les concepts de Bowlby et d’Ainsworth : malgré une famille d’accueil aimante, la peur de l’abandon et le manque d’attachement sécurisé ont bien souvent des racines dans les expériences vécues avant l’adoption.


« Même dans un contexte adoptif chaleureux, cette méfiance persistante explique pourquoi l’enfant peut résister à l’amour, à l’attention, voire manifester de la colère ou de la tristesse. »

En quoi la TCC peut-elle aider ?

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) permettent d’intervenir à plusieurs niveaux pour apaiser les tension dans le lien adoption et attachement. D’abord, en identifiant les pensées automatiques négatives : « je vais encore être abandonné », « les adultes ne sont pas fiables ». Ensuite, en les testant à travers des expériences relationnelles sécurisantes.

La thérapie peut aussi travailler sur les émotions douloureuses (peur, honte, colère), en apprenant à les nommer, à les réguler, puis à en comprendre le sens. Les techniques issues de la pleine conscience, de la thérapie des schémas (Jeffrey Young), ou encore de la compassion (CFT – Compassion Focused Therapy) sont particulièrement pertinentes ici.

Enfin, la TCC favorise la reconstruction d’une image de soi plus stable : passer de « je suis fondamentalement défectueux » à « j’ai été blessé, mais je peux me réparer ».Et pour les adultes adoptés ?

adoption et attachement

Les blessures d’attachement ne disparaissent pas avec l’âge. De nombreux adultes adoptés consultent pour des difficultés relationnelles, un sentiment de vide, une peur de l’abandon, ou une quête identitaire intense. Revisiter leur histoire pour mettre en lumière le lien entre adoption et attachement permet souvent une nouvelle compréhension d’eux-mêmes.

Des études comme celles de David Brodzinsky ont montré que l’exploration de l’identité adoptive à l’âge adulte peut réduire les symptômes anxieux ou dépressifs. La thérapie peut accompagner cette démarche avec bienveillance et lucidité.


J’accompagne depuis 2018 en tant que professionnel, dans le but de soulager les personnes que je rencontre en cabinet et en téléconsultation. Étant moi-même le fondateur de ce site et comprenant bien ce qu’on peut traverser en tant qu’adopté, je n’aide pas seulement avec mes compétences de Psychopraticien, mais avec mes connaissances sur la blessure primitive en plus. Pour vous faire accompagner par moi, cliquez ici : Jocelyn Le Guen – Psychopraticien & Coach TCC


Conclusion : entre mémoire et réparation

Les blessures entre adoption et attachement ne se guérissent pas automatiquement. Mais elle peut offrir un cadre pour les reconnaître, les accueillir, et les soigner. En thérapie, il ne s’agit pas de « corriger » l’adopté, mais de lui permettre de se réconcilier avec son histoire. La souffrance d’attachement n’est pas une fatalité. Avec du temps, de la patience et un accompagnement adapté, il est possible de construire des liens plus apaisés — avec les autres, et avec soi-même.

Prenez soin de vous.


Sources :

  • Bowlby, J. (1969). Attachment and Loss.
  • Ainsworth, M. D. S. et al. (1978). Patterns of Attachment.
  • Zeanah, C. H. (2000). Disturbances of attachment in young children adopted from institutions.
  • Dozier, M., et al. (2006). Foster children’s understanding of self and others.
  • Perry, B. D. (2006). The Boy Who Was Raised as a Dog.
  • Young, J. E. (2003). Schema Therapy.
  • Brodzinsky, D. (2011). Integrating adoption and developmental psychology.

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