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Pourquoi les relations amicales sont parfois difficiles pour certains adoptés ?

relations amicales adoptés

Être adopté peut laisser des traces invisibles, notamment dans la manière de se lier aux autres. Bien souvent, les blessures liées à l’attachement précoce — qu’elles résultent d’un abandon, d’une séparation ou de négligence — laissent des marques sur la confiance, le besoin de sécurité et la capacité à nouer des liens durables. Cet article explore les défis relationnels spécifiques que peuvent rencontrer les adoptés dans leur vie amicale, tout en proposant des pistes de progression.


1. Des modèles d’attachement perturbés

D’après la théorie de Bowlby, nos premières expériences avec nos figures d’attachement sculptent des modèles internes qui orientent notre confiance envers les autres (journals.sagepub.com, attachmentproject.com). Pour les enfants adoptés, surtout ceux ayant subi des ruptures précoces (nouveaux foyers, orphelinats), ces modèles peuvent rester insécures — évitants, anxieux, voire désorganisés.

Une étude de Feeney et al. (2004) a montré que les adultes adoptés présentent plus d’attachement insécure qu’un groupe témoin non-adopté, avec notamment :

  • Évitement : une difficulté à ouvrir émotionnellement
  • Anxiété : une hypersensibilité à la peur de l’abandon
    Ces traits se manifestent entre autres par des difficultés à créer des relations amicales profondes (faculty.buffalostate.edu, pmc.ncbi.nlm.nih.gov).

2. Peur de l’abandon ou de l’intrusion

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Les amitiés supposent un doux équilibre entre proximité et autonomie. Or, beaucoup d’adoptés ressentent :

  • Anxiété : peur excessive que l’ami·e s’éloigne sans raison
  • Évitement : tendance à ne pas trop se confier pour ne pas être rejeté
  • Fermeture émotionnelle : difficulté à exprimer ses besoins

Cette dynamique s’observe notamment chez les personnes ayant un style anxieux-préoccupé, qui vivent leurs relations amicales comme un test : « Est-ce que je serai encore là demain ? »


3. Confiance en l’autre et limites relationnelles

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Une autre conséquence fréquente des blessures précoces est la méfiance, un mécanisme de protection né de l’expérience d’adultes instables ou imprévisibles. Les adoptés peuvent :

  • Être hypervigilants dans les amitiés
  • Éprouver de la difficulté à déléguer, partager
  • Se sentir mal à l’aise lorsque l’autre devient trop proche

Une recherche récente révèle que les adoptés font état d’une insatisfaction plus fréquente dans la qualité et la profondeur des relations amicales (verywellmind.com, sciencedirect.com).


4. Difficultés dans la rupture ou l’entretien des liens

Briser un lien, même amical, peut être vécu de manière disproportionnée :

  • Les ruptures déclenchent une angoisse intense, parfois plus forte que chez les non-adoptés.
  • Un silence perçu comme un abandon peut enclencher un repli sur soi ou des tentatives de « rattrapage » parfois maladroites.

Ces réactions s’expliquent par une certaine fragilité émotionnelle liée à l’histoire d’attachement.


5. Le paradoxe de l’amitié “ordinaire”

Beaucoup d’adoptés ressentent un décalage vis-à-vis de leurs ami·es :

  • Les échanges peuvent sembler trop superficiels
  • Les confidences sincères peuvent faire peur
  • L’envie de relations authentiques est forte, mais la crainte de mal faire ou de créer le rejet prévaut

Ce paradoxe crée de la solitude intime, même entouré·e.

Elsa, 32 ans (adoptée à 9 mois) témoigne :

« J’ai toujours eu des amies, mais j’avais une peur panique qu’elles se lassent de moi. Alors je donnais tout, tout de suite : attention, cadeaux, présence. Et quand je sentais un éloignement, même léger, c’était le drame intérieur. J’avais l’impression de revivre un abandon. Avec le temps, j’ai compris que ce n’était pas elles le problème, mais ma blessure. »

Elsa donnait dans l’attente d’une garanti de ne pas être abandonnée. C’est quelque chose d’humain que je vois fréquemment en consultation (surtout dans les thérapies de couple). L’apprentissage à un amour sain se fait au fil des prises de conscience.


6. Sources de résilience et leviers de transformation

Malgré ces défis, il existe des ressources puissantes pour nourrir des relations amicales épanouies :

A) Travailler l’attachement en thérapie

Approches comme les TCC ou la mentalisation (MBT) permettent :

  • D’identifier les croyances anxieuses et les comportements d’évitement
  • De tester des façons plus sécurisantes de se relier

B) Construire la confiance par petits pas

  • Exprimer ses besoins de façon progressive, par exemple : « Ça m’aiderait si… »
  • Mettre en place des rituels amicaux réguliers (appels, rencontres)

C) S’entourer de cercles de pairs

Les groupes d’adultes adoptés ou forums en ligne (Reddit, associations) apportent un espace où les expériences sont comprises, ce qui diminue la peur de se sentir « hors norme » .

D) Développer la compassion envers soi-même

Prendre conscience que l’on n’est pas responsable de ses blessures d’attachement, et que l’exploration relationnelle est courageuse, non pas « égocentrique ».

Thomas, 41 ans (adopté à l’âge de 5 ans) témoigne :

« J’ai souvent eu l’impression que je ne savais pas comment être un “vrai” ami. J’étais maladroit, trop méfiant ou trop distant. Je croyais que si je me montrais tel que je suis, on finirait par me rejeter. Alors je me suis souvent coupé des autres, pour éviter d’avoir mal. La solitude, c’était un refuge, mais aussi une prison. »

Face à une peur, notre instinct est de fuir. Cependant, dans ce genre de cas, cela amène à s’isoler. Durant cette isolement, les personnes adoptées peuvent ruminer des pensées automatiques néfastes qui les pousseront à s’isoler encore plus ; un cercle vicieux.

Il est donc important de trouver des stratégies plus efficaces pour surmonter les peurs nous rongent.


Conclusion

Les liens amicaux peuvent être un défi pour les personnes adoptées en raison de blessures d’attachement souvent enracinées. Peur de l’abandon, défiance, peur des conflits, exigence affective  ? Tous ces obstacles ne sont pas irréversibles. Avec un accompagnement bien ciblé, une mise en pratique progressive, et le soutien de pairs, il est possible de bâtir des amitiés authentiques, enrichissantes, porteuses de croissance personnelle.

Pour accompagner un adulte adopté, il est essentiel de comprendre la manière dont l’histoire d’attachement structure les relations amicales, et d’offrir des stratégies adaptées et empathiques.

Pour consulter la liste (non-exhaustive) des accompagnements , cliquez ici.

Prenez soin de vous.


Sources :

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