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Témoignage Jocelyn, adopté du Brésil : L’adopté psychologique

 

Mon témoignage en tant qu’adopté du Brésil : Mon histoire, mes lacunes, mes progrès et mon analyse vis à vis de tout ça.

 

Témoignage Jocelyn, adopté du Brésil : L’adopté psychologique

 

Que seraient Les témoignages d’adoptés sans un premier témoignage.

Je vais donc vous faire le mien.

Je m’appelle Jocelyn, j’ai 27 ans et je fais deux temps partiels. Un en restauration et un autre en garde d’enfants (article ici). A coté j’aide les enfants et adultes adoptés à comprendre les raisons de leurs comportements au quotidien.

Je vais vous faire un bref résumé de chaque période, car sinon mon histoire s’étendrait sur un roman, comme chacune de nos histoires. 🙂

 

Enfance :

 

[…] j’avais le sentiment que mes parents ne me félicitaient pas assez pour ce que j’étais.

 

Mes parents ne m’ont jamais caché que j’étais adopté, et dans le fond, je le savais. J’ai tout de même voulu avoir des points communs avec eux, comme les cheveux noirs de ma mère, le fait que mon père était appliqué au dessin comme moi…

Je faisais parti de ces adoptés qui voulaient se montrer sages et dociles. Quand on me complimentait sur mon bon vocabulaire, ma culture général et mes dessins, j’adorais ça. Mais ce n’était pas suffisant, j’avais le sentiment que mes parents ne me félicitaient pas assez pour ce que j’étais. Alors je leur montrais toujours plus mes dessins. Je voulais être reconnu là-dessus. Je voulais à tout prix être sûr que j’éviterai un deuxième abandon/rejet dans ma vie. Mais difficile de s’extasier quand votre fils ne dessine que des monstres, de la violence, des explosions et la mort, même quand c’est bien fait… Car oui, c’était bien ce que j’adorais dessiner. Mes institutrices ont conseillé à mes parents de m’emmener voir un psychologue, mais on n’a jamais su pourquoi je dessinais des horreurs.

Aujourd’hui j’ai ma théorie là-dessus : c’était une manière de refouler la violence des émotions ressenties durant mon traumatisme (de la séparation avec ma mère biologique). Le fait que j’étais un enfant abandonné, parce qu’il était « mauvais », et que je voulais m’évader ailleurs (d’où des monstres ou dessins fantastiques).

 

Adolescence :

 

Je me liais aux marginaux car je n’avais pas peur d’être rejeté par eux.

 

Le collège n’a pas été une période facile. Difficile de plaire à tout le monde. J’ai alors vu que je pouvais subir le rejet de la part d’autres individus. Ce n’était pas comme avec mes parents là. Je ne pouvais pas me lier avec tout le monde. J’ai quelque peu déprimé sur la fin du collège, mais en vérité, ce fond de tristesse avait toujours été présent en arrière-plan dans ma vie.

Au lycée c’était pareil. Je me liais aux marginaux car je n’avais pas peur d’être rejeté par eux. Quelque part on se comprenait, c’était plus facile. Mais un jour j’en ai eu marre. J’ai voulu faire parti des gens populaires. Écrivant pas mal de poèmes pour les filles qui me plaisaient, je me suis mis alors au Rap. Musique contestataire, de marginaux, mais qui était cool auprès des ados (comme aujourd’hui). Les gens ont aimé mais ça ne m’a pas rendu plus proche d’eux car ma personnalité était la même ; celle que j’utilisais pour plaire aux autres. J’avais peur qu’en étant moi, je ne plaise à personne. Et ceci autant auprès des gens que de mes propres parents. Alors j’étais quelqu’un d’autre tout le temps et perçu le plus souvent comme « bizarre » car hésitant dans mes actions, n’allant jamais jusqu’au bout, et n’assumant que la moitié des choses…

J’en suis arrivé à un point où j’allais dans les églises pour faire des prières à Dieu (oui). Ma demande était : Être « Moi-même » et ne plus ressentir ce mal-aise à me lier aux autres.

 

A l’école :

 

J’étais considéré comme faisant parti des têtes de classe parce que j’en avais le comportement, mais pas les résultats pour autant. Notamment les maths me posaient vraiment problème. Ma mère était beaucoup sur mes devoirs car je détestais apprendre ce qu’il y avait à l’école.

La mémoire pose problème pour un adopté car elle renferme le traumatisme d’origine. J’ai toujours eu du mal avec les devoirs, depuis tout petit.

Sans ma mère (même si il y a eu beaucoup de déceptions et d’incompréhensions autant de la part de l’un que de l’autre), je ne sais pas si je serai arrivé jusqu’à mon brevet. Ma mère a du être frustrée de voir qu’elle n’arrivait pas à m’aider, que malgré sa volonté, ça ne marchait pas. Ma blessure n’était pas comprise, et déniée. En même temps, j’étais celui qui la déniait le plus. Si je ne montrais pas de signe concret de mal-aise concernant cette facette. Comment pouvait-on savoir que ça me faisait quelque chose ?

 

Amours :

 

Je ne pensais pas qu’il était possible de vivre seul et être heureux à la fois.

 

Mon premier amour était une relation de longue distance. J’avais 17 ans, elle aussi. Nous nous voyons à chaque vacance. C’était passionnel. Puis un jour ça a décliné. La distance a eu raison de nous et notre jeune âge aussi. La relation a duré un an. Ce que j’ai ressenti à la fin était un vide profond, une fin, un deuil. J’avais tous les symptômes d’une dépression que j’ai refoulé à la perfection à mes parents. Ils ne l’ont su qu’un peu plus d’an après et ont été émus du fait que je me confie enfin à eux, puis de ce qu’ils n’avaient pas soupçonnés…

Les relations suivantes ont été aussi passionnelles quelle que soit la durée. Et leurs ruptures ont été tout aussi dramatiques. Je le vivais mal, une déprime me hantait en permanence. Je ne pensais pas qu’il était possible de vivre seul et être heureux à la fois. Je généralisais en plus cette croyance au fait que les gens avaient tous la même. Je me trompais lourdement.

Tester sans cesse l’amour de son partenaire est l’une des façons d’attirer le plus ce que l’on craint ; la séparation. On répète le même schémas du temps qu’on ne s’y intéresse pas.

Comme vous le voyez, par ce blog je m’active. Et en fait l’une de mes priorités de changement personnel.

 

Relations avec les parents adoptifs :

 

Je refoulais beaucoup de choses et paraissait apathique pour me protéger de ce qui grondait dans le fond.

 

Ce n’est pas facile non plus pour des parents adoptifs d’avoir un enfant qui met un mur entre lui et eux. Je ne confiais rien, ils en étaient quelque part frustrés. Je refoulais beaucoup de choses et paraissait apathique pour me protéger de ce qui grondait dans le fond. Je ne voulais rien montrer, car c’était l’expression d’une réalité de ce que j’étais ; une blessure qui était là et que je voulais tenir éloignée.

Par mes actions, ils ont été eux-mêmes confrontés à leurs questions intérieures : Faire « bien » les choses, l’infertilité, être de « bons » parents… Je pense qu’ils ont juste fait de leur mieux. Les parents qui adoptent sont rarement formés à ce que ce sera d’élever un enfant adopté qui arrive avec sa propre expérience d’abandon. L’enfant n’oublie pas, il ressent.

 

Professions :

 

Jamais stable. Je m’orientais souvent sur les travaux que mes parents connaissaient. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire de ma vie. Tout simplement parce qu’une part de mon histoire (et de ma personnalité) était inconnue. Mon maximum a été 3 mois dans un même travail, sinon j’ai souvent fait des missions courtes. Venait un moment un sentiment, très lourd, de lassitude. La santé déclinait même à certains moments. Ne pas me trouver professionnellement m’aura impacté au niveau de mon estime de moi et dans une relation amoureuse hélas.

 

Loisirs :

 

La musique ne m’a pas quitté pendant longtemps. Écrire me faisait du bien et le style a changé progressivement pour évoluer sur un électro/slam expérimental parfois. Souvent, je parlais de façon métaphorique. D’une femme ou d’un idéal que je n’arrivais pas à atteindre (comme par hasard). La peinture de temps en temps. Je peignait souvent une dualité. Une bête fantastique avec une personne, toujours en noir. Comme si il y avait un contre-jour. Est-ce une manière de décrire cette grande inconnue qu’est notre mère ? Ou celle de notre réelle identité ?

Aujourd’hui je n’arrive plus à écrire, et je ne peins que très peu. C’est aussi à cause de/grâce à ce que je dis dans la suite.

 

Aujourd’hui :

 

Je suis absorbé par mes recherches sur cette blessure que les enfants adoptés ont en eux. J’accepte par conséquent la mienne (enfin !). Je fais des découvertes sur moi et je souhaite que les adoptés en fassent aussi ! Pour mettre la lumière sur ces émotions et ces comportements qu’ils ne comprennent pas. C’est pour ça que je partage tout sur ce blog.

Je tiens alors mes deux temps partiels pour avoir de quoi vivre et surtout pour rester connecté à la réalité physique ; J’ai toujours eu l’impression d’être déconnecté de la réalité. C’est une caractéristiques des adoptés. Une protection contre le retour du traumatisme à tout moment. Même si ça parait absurde, les recherches neurologiques montrent bien qu’un traumatisme reste ancré dans le cerveau reptilien et donc lié à l’instinct. La réalité me semble « irréelle » mais quand les « emmerdes » arrivent, la réalité devient  réelle ! Simplement parce que les difficultés physiques atteignent l’instinct de survie : c’est donc la prise de conscience.

Je veux notamment avoir de quoi partir dans mon pays d’origine, deux semaines, l’été 2017. Chaque année je dis que je dois y aller et je ne le fais jamais. Cette fois-ci, plus question de procrastiner ! J’ai attendu bien trop longtemps.

Je suis notamment une formation de Technicien PNL (Programmation Neuro-Linguistique) afin de corriger les croyances et comportements contre-productifs qui découlent de notre traumatisme.

Il y a donc encore du chemin à faire, mais c’est ça qui est exaltant. Accumuler de nouvelles connaissances et se lancer dans de nouvelles expériences sont les dynamiques d’une vie « vraie ». Si nous avions déjà tout fini, que nous resterait-il ?

 

Voilà où j’en suis et pour un bon moment ! Si vous voulez faire un témoignage vous aussi, n’hésitez pas à me contacter directement sur ma page Facebook ou en ici commentaires.

Une réflexion sur « Témoignage Jocelyn, adopté du Brésil : L’adopté psychologique »

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