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Pourquoi certains adoptés se croient fous ? (mais ne le sont pas)

adopté mal-être

La blessure primitive dirige certains de nos comportements sans qu’on ne s’en rende compte. C’est impressionnant, parfois déroutant… Si on ne le sait pas, on se croit vite « fou ». Dans cet article, je désamorce cette croyance limitante.


⚠ Cet article est principalement inspiré du travail de recherche de Nancy Newton Verrier, psychologue clinicienne et mère adoptive. La touche personnelle est issue de mon expérience en tant qu’adopté moi-même, et des personnes que je rencontre en consultation en tant que psychopraticien. Chaque sujet englobe une généralité sans pour autant la conditionner ; l’humain étant complexe, chaque vécu est différent. Je vous invite donc à prendre du recul puis ne garder que ce qui vous parle. Bonne lecture !


Introduction :

Quand ce ne sont pas les parents adoptifs mais les enfants adoptés me contactent, ils se sentent « perdus » en général. Beaucoup dont dans la paralysie analytique avec des raisonnements pertinents mais sans fin. Ils se torturent plus l’esprit qu’ils ne trouvent de solutions.

Pour un être humain, il y a de quoi se croire fou, puisque la plupart des gens n’ont pas l’habitude de réfléchir autant, ni de voir la vie comme une lutte à chaque seconde. La moindre décision, même la plus anodine, devient parfois « dramatisée ».

J’ai souvent cru être fou moi-même.


Les adoptés en souffrance sont souvent diagnostiqués comme « Border-line » ou avec des troubles « Schizoïdes » dans le monde de la psychiatrie avant d’être pris en charge médicalement.


Cela n’aide pas toujours et peut paraître fou pour un professionnel qui ne vit pas la problématique lui-même. Ce qui limite l’empathie envers la situation. Souvent, les adoptés qui en reviennent me confient qu’ils n’étaient pas en face du « bon » interlocuteur.

En tant qu’adopté ayant vécu et travaillé sur la problématique, je vous explique le pourquoi vous vous sentez parfois « fou » et le comment apaiser ce sentiment.

Des émotions lointaines qui refont surface :

mémoire implicite

On parle de blessure primitive chez les adoptés : cette « blessure » représente les conséquences psychologiques liées à la séparation prématurée et durable de l’enfant à sa mère biologique. Elle se prolonge avec les ressentis liés à l’adoption, c’est-à-dire : la rencontre d’une nouvelle mère.

La plupart des émotions ressenties durant le traumatisme de la séparation partent en mémoire implicite. Elles ne sont donc plus conscientes. Le système limbique (émotionnel) étant plus mature que le néo-cortex (logique) avant les 3 ans fait que c’est ce premier qui va mémoriser les événements du plus jeune âge.

Il peut vous arriver de vous retrouver face à une situation plutôt anodine, qui n’est pas censée être « traumatisante », et de vous sentir « déprimé » ou mal à l’aise.

Cela signifie que des émotions du passé se manifestent… mais comme vous ne savez pas pourquoi ni d’où elles viennent, vous pouvez croire qu’il y a quelque chose qui ne « tourne pas rond » chez vous.

De plus, elles surviennent de manière répétitive dans votre vie et peuvent la rendre difficile par rapport la plupart des gens. Vous vous jugez alors comme « fou / folle ».

Il peut même arriver que vous ayez besoin, plus que jamais, d’une réponse là-dessus. Une réponse sur ce que vous êtes, à savoir : Si vous êtes « malade » ou pas.

Adopté Afrique

Une adoptée avec qui j’étais en contact, a été hospitalisée en hôpital psychiatrique suite à un burn-out. À force d’avoir tout gardé pour elle, la coupe a débordé. Avant que son diagnostic ne tombe, elle n’avait qu’une envie : le connaître.

C’était une manière de s’appuyer sur un repère identitaire. Un repère jugé comme « sûr » puisqu’il était établi par des professionnels. Les psychiatres ont décidé de la garder pour trouble de la personnalité abandonnique et Schizoïde.

Ce diagnostic a finalement été une béquille pour elle, qui lui a permis d’entamer un travail personnel. Elle m’a envoyé les ouvrages qu’elle avait décidé de lire, concernant les dépendances affectives et la blessure d’abandon (un début avant d’aborder la blessure primitive), alors qu’elle a toujours dit avoir eu du mal avec la lecture. Je fus heureux de cette avancée !

Les émotions implicites ne sont pas explicables de manière consciente et c’est pour cette raison qu’elles nous perturbent.  Notre être inconscient nous pousse à ressentir ce qu’on préfère refouler consciemment. Pourquoi ?

Parce qu’en société, ce n’est pas acceptable d’exprimer son mal-être ou sa vulnérabilité à tout moment et face à toute personne. Néanmoins, ce conflit intérieur continue de se répéter et nous met face à nos émotions profondes qu’on pourrait qualifier « d’enfant intérieur. » Une part de nous-mêmes qui demande à libérer la charge émotionnelle du traumatisme passé. Elle est liée à nos croyances limitantes qui empêchent cette libération.

La façon dont notre inconscient réagit est une réaction normale face à une situation anormale : la séparation de la mère biologique.

Le sentiment d’être « seul(e) » dans la famille :

Génétiquement et souvent physiquement, il y a des choses que l’on ne peut pas ignorer : Nous sommes « différents » des membres de notre famille adoptive et nous le sentons.

adopté brésil

Le manque du reflet génétique :

Vous pouvez consulter l’article entier sur le reflet génétique qui s’ouvrira dans un autre onglet en cliquant ici.

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit des caractéristiques physiques et comportementales que nous partageons avec les membres de notre famille biologique. Autrement dit, des choses qui manquent dans notre famille adoptive.

Très jeune, l’enfant adopté a besoin de s’harmoniser avec sa mère biologique pour se sentir apaisé. Hélas, face à la mère adoptive, il a du mal à le faire puisqu’elle n’a pas les mêmes « codes » génétiques. Il va donc tenter de s’adapter à elle afin de s’accorder, ainsi qu’aux personnes qu’il rencontrera dans sa vie. L’enfant adopté va très vite développer un faux Self qui risque de créer des complications dans ses relations futures, n’ayant jamais pu créer une connexion « authentique ».

Reflet génétique


Cependant, certains enfants adoptés arrivent à établir une connexion avec leur famille adoptive par adaptation, sans que cela ne perturbe systématiquement leurs relations.


Qu’est-ce que ça fait de manquer du reflet génétique ?

Ce mécanisme étant répété à chaque relation, vouloir « à tout prix » s’adapter pour s’accorder à l’autre et lui plaire deviendra une habitude « tenace ». On peut imaginer que l’apaisement n’arrivera que lorsque nous aurons le sentiment d’avoir réussi à nous adapter totalement aux autres, même à l’âge adulte.

Ce premier point peut être déjà perturbant quand on rencontre des gens qui sont « naturel » et ne ressentent pas le besoin de s’adapter aux autres, ou qui au contraire ont du mal à y arriver. Alors que nous, nous maîtrisons cet art à la quasi-perfection. Le paradoxe est que nous avons l’impression de ne jamais être assez bien adapté.

Pas les mêmes centres d’intérêts :

adopté d'Afrique

Parfois nous ne partageons pas les mêmes centres d’intérêts avec notre famille adoptive. C’est assez courant, même dans les familles biologiques. Mais la différence va être plus marquée chez les enfants adoptés, puisqu’ils n’ont pas connu de reflet génétique avec leurs parents, frères ou sœurs…

C’est un « fossé » de plus à gérer ; le sentiment d’être à l’écart, de ne pas aimer les mêmes choses que les autres, d’être différent, etc.


Quand certains parents projetaient d’avoir un enfant sportif et que ce dernier est attiré par l’artistique ou inversement. Se pose alors la question : « Qui suis-je ? » et « Qui suis-je sensé être (par rapport aux autres) ? »


Se sentir « déconnecté » du monde :

A force d’être confronté à la différence avec l’autre, on se pose des questions : « Quel est le problème avec moi ? Pourquoi je ne suis pas comme les autres ?« 

Adopté de Corée

Quand on se sent différent de sa propre famille adoptive, nous sommes dans un questionnement identitaire permanent, auquel on s’habitue. S’adapter à l’autre devient une seconde nature : il faut faire attention à ce que l’on dit, à ce que l’on fait, à être attentif au moindre changement, aux mots que l’on va prononcer et d’anticiper toute réaction. Ceci peut devenir tellement fatigant, qu’on se déconnecte inconsciemment de ce qui se passe autour de nous.

Une adoptée m’a raconté qu’elle décrochait rapidement de toutes les conversations qu’elle avait avec son entourage, quel que soit la personne. Malgré sa volonté « d’être dans » la conversation.

A ce moment-là, nous n’observons le monde qu’à partir de notre point de vue, perdant toute objectivité. Cela peut même s’apparenter au trouble du spectre autistique. Certains en prennent conscience, ne sachant pas ce qui leur arrive, et commencent à paniquer. Ils se demandent de quoi ils ont l’air par rapport aux autres. La peur du rejet et de ne pas être « assez adapté » prend alors le dessus.

Le manque d’enracinement et de repères « sûrs »

La plupart des gens de notre entourage, étant issus de familles biologiques, ne ressentent pas le besoin de s’investir sur des choses qui semblent « acquises ». Ils connaissent leurs repères biologiques, ce qui a généralement pour effet de les « enraciner » plus facilement.

En tant qu’adopté, nous sommes effectivement déraciné, sans repère. Nous avons le sentiment d’être « en orbite« , raccroché à rien de concret. Cette perspective peut avoir en effet de quoi rendre « fou ».

Pourquoi avons-nous du mal à nous « enraciner » ?

Nous enraciner, c’est aussi nous rapprocher de notre blessure primitive qui travaille toujours inconsciemment.

Le rapport au monde a été tellement douloureux au début de notre vie, à cause de la séparation de notre mère biologique, que nous nous éloignons de ce qui nous ramène à ce qui peut nous enraciner à nouveau.

Nous nous « perchons, » tout en cherchant les réponses dans le domaine imaginaire et théorique. Cela peut prendre la forme d’une fuite dans les livres, jeux vidéos, la philosophie, psychologie, l’ésotérique, la spiritualité, etc.

adopté de Colombie


La majorité des adoptés que j’ai pu rencontrer se reconnaissaient dans le profil Hauts-Potentiels (surdoués). Ils apprenaient très vite les domaines qui les passionnaient. Ils faisaient aussi souvent preuve d’une connaissance surprenante sur eux-mêmes et du monde dans lequel ils vivaient.

Malgré leurs capacités, ils avaient aussi une forte angoisse dès qu’ils devaient mettre en pratique leurs connaissances.


Nous avons tellement donné de l’importance à la réflexion humaine, à surmonter nos difficultés personnelles, à réfléchir à outrance que nous avons perdu le contact avec des choses simples : la spontanéité par exemple.

Au sein de la famille, il arrive que nos ressentis ne soient pas compris parce que pas partagés… Et ce n’est la faute de personne. C’est la conséquence de la situation d’abandon au début de notre vie. L’impression d’avoir un problème en vivant un tel fossé, est tout à fait humain.

N’importe qui se sentirait inadapté à la société ou « fou », alors que de nombreuses personnes, même non-adoptées, partagent ce sentiment. Malheureusement, on n’en parle très peu, croyant être seul à vivre cette situation.

Si vous n’êtes pas fou, que faire ?

adopté Sri Lanka

Nous avons vu que tous ces paramètres font croire que nous sommes « fous ». Cependant, c’est plus notre situation de départ qui est « folle » et anormale. Il faut alors distinguer la notion de personnalité de celle du comportement.

  • La personnalité est définit comme l’ensemble des traits physiques et moraux par lesquels une personne est différente des autres ; aspect par lequel quelqu’un affirme une originalité plus ou moins accusée : La forte personnalité d’un présentateur.
  • Le comportement est décrit comme la manière d’être, d’agir ou de réagir des êtres humains, d’un groupe, des animaux ; attitude, conduite : Un comportement étrange.

La blessure primitive marque votre personnalité, c’est indéniable. Néanmoins, elle ne dirige qu’une partie de vos comportements. Par exemple, vous n’allez pas cocher toutes les cases des articles de ce blog. Vous allez vous reconnaître en grande partie dans un profil, puis moins dans l’autre. Parfois, vous ferez même des allers-retours. Cela dépendra de votre humeur et votre énergie. Par conséquent, vous avez un pouvoir sur votre comportement.

accompagnement adopté

Avec un travail psychologique, vous pouvez diminuer, voire effacer, certains comportements qui vous nuisent au quotidien. Lire ce blog est déjà un soulagement pour certains. Pour d’autres, c’est une partie du parcours.

Qui dit travail psychologique dit aussi accompagnement avec un professionnel. Pour voir la liste des accompagnements, cliquez ici. Certaines méthodes seront plus adaptées que d’autres, selon votre profil et vos attentes.


Toutes ces choses dont je vous parle, je les ai vécues moi-même en tant qu’adopté. Aujourd’hui, m’enraciner me permet d’agir plus concrètement dans ma vie et de me sentir mieux.


Conclusion :

Nous ne sommes pas « fous » mais « brisés » à la rigueur… en avoir conscience, c’est s’accorder le droit de construire autre chose dans notre vie. Ça fait partie des 3 principes qui nous font grandir en tant qu’adopté. Vous pouvez lire l’article en cliquant ici.

Si vous voulez vous faire accompagner, prenez le temps de choisir l’accompagnement qui vous correspond ici.

Jocelyn Le Guen

Prenez soin de vous.

Jocelyn Le Guen


Mots clés : enfant adopté, adopté, psychiatrie, blessure primitive, conséquences psychologiques de l’adoption

3 réflexions sur « Pourquoi certains adoptés se croient fous ? (mais ne le sont pas) »

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