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Adopter ou sauver des enfants ? (Le syndrome du sauveur)

syndrome du sauveur

Les pouponnières ou orphelinats des pays du tiers-monde ne laissent pas indifférents. Êtes-vous un « sauveur » ? Est-ce l’envie ou le besoin d’aider qui se manifeste ? Dans cet article, j’explique comment prendre du recul face à nos émotions afin d’adopter plutôt que de « sauver. »


⚠ Cet article est principalement inspiré du travail de recherche de Nancy Newton Verrier, psychologue clinicienne et mère adoptive. La touche personnelle est issue de mon expérience en tant qu’adopté moi-même, et des personnes que je rencontre en consultation en tant que psychopraticien. Chaque sujet englobe une généralité sans pour autant la conditionner ; l’humain étant complexe, chaque vécu est différent. Je vous invite donc à prendre du recul puis ne garder que ce qui vous parle. Bonne lecture !


1) Le syndrome du sauveur, c’est quoi ?

syndrome du sauveur

Le syndrome du sauveur est un trouble psychologique qui n’est pas répertorié en DSM mais souvent évoqué lors des psychothérapies.

C’est le besoin impulsif et permanent de venir en aide à toute personne en situation de faiblesse ou de détresse.

Vous me direz peut-être : « En quoi est-ce mal de vouloir aider son prochain ? » Vous avez raison, c’est noble. En revanche, ceci devient problématique quand vous venez en aide aux autres avant de prendre le temps de « vous aider vous-même. »

Les psychologues et psychothérapeutes se sont penchés sur la question puisque nombre d’entre eux ont reçu des patients qui portaient ce qu’on appelle le « syndrome du sauveur ».

Il semblerait que lorsqu’on est un sauveur « pathologique », on pense à aider l’autre avant de réfléchir à si nous avons les ressources pour l’aider. Car dans la plupart des cas, la personne se retrouve à s’épuiser physiquement et psychiquement, n’ayant finalement plus grand chose à apporter à l’autre. Ceci peut même donner naissance à des relations toxiques mais ce n’est pas ce point que je vais développer dans cet article…

En résumé :

L’envie d’aider dira : « J’ai envie d’aider mais comment je me sens là ? Ai-je les ressources pour le faire ?

Tandis que le besoin d’aider dira : « Il faut que je l’aide, qu’importe ! »

L’un respecte votre état physique et émotionnel, l’autre non.

Être un sauveur sain

Le sauveur « sain » pense aux ressources qu’il peut apporter à celui qui a besoin d’aide ou sinon, le redirige vers quelqu’un qui en a les ressources. Il aide dans la mesure de ses moyens, ainsi il est capable d’aider sur le long-terme sans créer de dépendance chez autrui. Le sauveur sain remarquera les personnes ayant un comportement de dépendances, souvent « vampirisant », et s’en préservera.

Pourquoi je vous parle de ça ?

Lorsque vous vous retrouvez en face de quelqu’un que vous pouvez aider, demandez-vous si c’est d’abord dans vos moyens. Surtout quand il s’agit d’enfants que vous pouvez adopter.

Lors d’un groupe de parole que j’organisais pour la Voix Des Adoptés, une mère adoptive témoigna. Je n’ai jamais vu de pouponnières ou d’orphelinats, mais son expérience fut saisissante puisqu’elle avait les larmes aux yeux en nous racontant ce qu’elle avait vu :

adoption Afrique

Arrivant sur le sujet des orphelinats, elle nous a raconté son ressenti vis-à-vis des pouponnières en Afrique. Elle n’a pas pu terminer son histoire à cause de l’émotion qu’elle ressentait encore. Elle la revivait. Face à ces enfants qui n’avaient plus de famille, elle disait : « Je les voyais, j’avais envie de tous les adopter !… »

En tant que future mère, je comprends que voir des enfants dans des conditions opposées à celles qu’on leur souhaite peut provoquer une vive réaction.

N’adoptez pas en réaction à la misère

Adopter un enfant sur un sentiment spontané face à la misère est une erreur qui peut avoir de lourdes conséquences.

Pourrez-vous assumer pleinement votre rôle de parents, avec ses responsabilités, une fois l’enfant mis en « sécurité » ? Aurez-vous toujours cette urgence de l’aider lorsqu’il sera enfin dans un lieu où il ne manquera de « rien » sur le plan matériel ?

miroir

Dans le syndrome du sauveur, il y a toujours cette notion de miroir : celle de soigner nos blessures passées à travers l’autre. Sauf qu’on ne soigne pas nos propres blessures, on soigne celles de l’autre.

Il est extrêmement rare de pouvoir guérir l’autre puisque ça ne dépend pas que de votre volonté, mais aussi de la sienne. Avez-vous les compétences ou ne faites-vous confiance qu’en votre vécu subjectif pour l’aider ?

Puis à force de tentatives de « guérison » de nos proches, on se rend compte que notre sentiment d’impuissance reste le même, et nous avons deux choix : Soit en prendre conscience et voir ce qui a besoin d’être sauvé en nous, souvent en rapport avec notre propre enfance, soit aller secourir quelqu’un d’autre pour répéter la même boucle…

Être à l’écoute de nos proches est important oui. Mais vous êtes leur prochepas leur thérapeute. Il faut vous reposer et vous occuper de vous-même. Je vous invite donc à vous diriger vers des professionnels.

N’adoptez pas parce que ce sera « bien vu » par votre entourage

enfant adopté

Il est tout à fait normal d’avoir pour projet de fonder une famille. Dans le cas des parents adoptifs, ce projet a été compromis par l’impossibilité d’avoir un enfant de façon « naturelle. » L’adoption est la seule option.

Cependant, elle peut s’accompagner de la dimension « humanitaire » et engendrer le sentiment d’être un héro parce qu’on a « sorti » un enfant de la misère. Ajoutez à cela un entourage réceptif et ce n’est plus la parentalité qui est au centre mais la reconnaissance d’autrui.

Un adopté du Vietnam que j’ai reçu au téléphone me parlait de ses parents qui l’ont adopté dans les années 60. Ils étaient « médecins, strictes et catholiques ». Pour eux, adopter un enfant était « bien vu » dans leur entourage, comme un acte de « bienfaisance », une « bonne action ».

Il a décrit ses rapports avec ses parents comme assez froids et distants, comme si un secret était préservé dans la famille. Le jour où il a voulu en savoir plus sur ses origines, ses parents se sont fermés un peu plus.

Aujourd’hui, il a fait toutes ses démarches et recherches. Il mène enfin sa vie comme il l’entend (il avait la cinquantaine). Tout semble aller pour le mieux pour lui.

Dans ce témoignage, tel qu’il m’a été décrit, on lit malheureusement que cette adoption s’est faite d’une part pour accomplir un projet (personnel) de vie de famille et d’autre part pour avoir la reconnaissance de l’entourage. Ce qui peut correspondre à un syndrome du sauveur puisqu’il recueille la reconnaissance d’autrui de par un acte fort : l’adoption d’un enfant du Vietnam, pays défavorisé à l’époque.

Effet pervers

parent adoptif

Vouloir aider « à tout prix », c’est aussi courir après la reconnaissance d’autrui afin de se sentir mieux dans sa propre vie. Vous pourriez même demander, sans en être conscient, la reconnaissance de votre propre enfant. Ceci exerce directement une pression en lui sachant que les enfants adoptés sont sujets à un sentiment de redevabilité excessif.

Lorsque ce reflexe de vouloir la reconnaissance d’autrui devient excessif, au point de vous provoquer une fatigue nerveuse, voire même physique, il faut vous poser la question : qu’est-ce qui fait que vous vous occupez plus des autres que de vous-même ?

Avez-vous manqué de reconnaissance durant votre enfance ?

Une réponse positive peut expliquer ce besoin presque viscérale d’aider autrui.

Une personne voulant aider alors qu’elle est déjà affaibli ne pourra pas aider efficacement, ni même très longtemps.

2) La différence entre sauver et adopter

faire un enfant

 

 

Comme un animal de compagnie n’est pas une peluche, un enfant vit également et demandera des interactions constantes avec vous. Vous devrez vous en occuper jusqu’à sa majorité.

Sauver se fait de façon ponctuelle, adopter est une démarche de long-terme. L’expérience de la parentalité est donc sur le long-terme si vous voulez vraiment aider votre enfant.

Je le dis puisqu’une fois passé l’effervescence de la rencontre avec l’enfant et les premiers mois, certains parents deviennent plus négligents. Leur « lune de miel » est passée. Sauf que l’enfant adopté a besoin, plus que les autres, d’attention et de sécurité affective de votre part, à cause de son passé traumatique (voir blessure primitive). Et cela, jusqu’à sa majorité.

famille adoptive

Il s’agit, en tant que parents, d’être présents pour lui, de répondre à ses questions sur la vie, d’être empathique, de l’écouter, l’éduquer, le respecter et surtout être présent.

L’enfant adopté a un terrain affectif fragile du à sa blessure primitive. Vous ne pouvez donc pas de le mettre à la crèche 5 jours sur 7 de 7h, comme le font certains parents, ou de déduire que s’il ne dit rien sur sa vie scolaire et personnelle alors c’est que tout se passe bien…

Les psychologues et neurologues s’accordent à dire que cette mise à distance de l’enfant, par indisponibilité ou parce que ça nous arrange, peut entraîner des troubles de l’attachement jusque dans la vie adulte.

Par cette négligence, hélas de plus en plus commune, nous sommes entrain d’encourager la croissance d’une génération de plus en plus névrotique dans ses relations affectives…

Par conséquent, vous devez vous assurer d’avoir déjà toutes les ressources matérielles, physiques et émotionnelles avant de vous lancer dans des démarches d’adoption. Il est nécessaire que vous soyez capable d’accueillir et d’élever cet enfant sereinement.

Conclusion :

On n’adopte pas un enfant pour le plaisir de réaliser un fantasme d’accomplissement personnel qui, dans la plupart des sociétés, est d’avoir fondé une famille. Vous devez assurer les fondations à un niveau individuel et dans votre couple avant d’accueillir une tierce personne. Si vous avez besoin de temps, prenez-le.

L’adoption est une démarche d’amour. C’est aussi vouloir faire l’expérience de la parentalité. Pas de la reconnaissance.

Finalement, un enfant adopté ou non reste un enfant qui a besoin de guides « solides. » Il vous faut donc avoir les ressources afin de montrer l’exemple.

Lien vers un livre, que j’ai moi-même lu, riche en informations sur le syndrome du sauveur ici.

Jocelyn Le Guen

Prenez soin de vous.

Jocelyn Le Guen


Mots clés : adopter un enfant, enfant adopté, syndrome du sauveur, parents adoptifs, adoption, blessure primitive

2 réflexions sur « Adopter ou sauver des enfants ? (Le syndrome du sauveur) »

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